Sages
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« Quel sujet de rire, quelle joie y a-t-il en ce monde ?

Entourés de ténèbres, ne chercherez-vous pas une lampe ? » (Dhammapada.) ‘


Dans la première partie du discours contenant l'exposé des Quatre Vérités, nous ne nous trouvons
point en présence d'un système ayant la prétention de nous éclairer sur l'origine du monde et sur la nature
de la Cause première. Il n'est point question de révélation faite à l'homme par une divinité, nulle
allusion à une puissance extra-humaine, nulle promesse d'aide surnaturelle ne paraissent dans le dis-
cours du Bouddha. Il s'agit d'une lutte de l'homme, contre la souffrance qui l'étreint, d'une lutte qu'il doit
soutenir seul et de laquelle il peut sortir vainqueur par des moyens purement humains. . ‘
Dès ce premier contact avec l'enseignement bouddhiste, nous saisissons qu'il ne nous apportera ni
dogmes, ni vérités toutes faites, mais simplement un plan de conduite qu'il affirme propre à diriger chacun
de nous vers la conquête de la paix, la délivrance de la douleur, le Nirvàna,

Que les maux, les hideurs que nous sommes forcés de toucher du doigt chacun des jours de notre vie, puissent concourir à quelque perfection finale, que l'ensemble des cris de douleur qui résonnent, individuellement, de si déchirante façon à nos oreilles, forment, par leur réunion, quelë que accord d'une harmonie sublime: la thèse est
soutenable. Il n'empêche qu'elle nous conduit sur le terrain de la ‘métaphysique et, qu'en dépit des
hypothèses, plus ou moins plausibles, qu'elle nous inspirera, nos sens, notre intelligence humaine continueront à constater, à éprouver ce fait indéniable : la souffrance existe pour les êtres, aucun d'entre eux ne
peut s'y soustraire. _

Il serait faux de dire que le Bouddhisme éclaire celui qui s'adresse à lui. Il l'incite, seulement,
s'éclairer lui-même en lui représentant l'intelligence comme l'unique voie capable de conduire à la délivrance de la souffrance, à la béatitude.

Tout le Bouddhisme est basé sur la possibilité de libérer de la souffrance, de s'en libérer par soi-même
et d'être seul capable de s'en libérer. Cette croyance non seulement l'inspire dans toute ses manifestations
mais elle seule constitue le Bouddhisme, elle est son unique raison d'être.

Le Bouddhisme enseigne la calme maîtrise des choses, la puérilité des colères violentes contre le Mal, '
de l'admiration outrée envers le Bien, l'un et l'autre appartiennent au domaine de l'erreur. Lorsqu'ils
accomplissent des actes de compassion, de justice, de dévouement, les véritables disciples du Bouddha
savent se garder de la ferveur dévote de laquelle s'enveloppe le commun des gens vertueux et où
l'idolâtrie du Bien se confond avec la vénération qu'ils s'accordent à eux-mêmes. Ils savent mesurer le vide,
le caractère illusoire de leurs propres vertus, ils évitent d'être dupes et, par-delà notre moralité
d'aveugles, ils cherchent la vérité, le Savoir.

La compréhension du Bouddhisme en son intégrité et son austère simplicité, exige un développement
mental déjà considérable. C'est pourquoi les foules n'y eurent jamais accès et se sont constituées des Boud-
dhismes de fantaisie donnant asile à toutes les superstitions et leur matérialisme religieux.

Nous ne sommes plus au temps - si jamais pareil temps a existé '-- où une religion, une philosophie
pouvaient se cantonner dans le domaine spirituel et ignorer dédaigneusement les souffrances matérielles
des êtres. L'on exige, à notre époque, que les discours se résolvent en application tangible et que, quelles
que soient les félicités mystiques qu'une doctrine . puisse dispenser, elle se souvienne que nous avons un
corps et s'intéresse à son bien-être.

Moins que tout autre système le Bouddhisme pourrait échapper à cette exigence. Ne constitue-t-il pas,
de par ses théories fondamentales, une insurrection de l'homme contre, la souffrance ?

La douleur que le Bouddha eut en vue n'a rien de commun avec.les souffrances très matérielles de nos a
prolétaires contemporains.
Le Bouddhisme déclarant formellement que le salut (la délivrance de la souffrance) est œuvre individuelle,
qu'il s'atteint par le développement de l'intelligence, l'élévation de la mentalité, ne peut, sans se contredire,
prétendre sauver l'humanité, pas plus au point de vue matériel qu'au point de vue spirituel. Selon la parole
des Ecritures, c'est à elle qu'il incombe de faire l'effort nécessaire. Chacun doit se délivrer lui-même. Le
Bouddha nous a proposé une méthode de salut, mais ne s'est jamais présenté comme un sauveur.

« C'est à vous-même de faire l'effort, les Bouddhas
ne peuvent quenseigner. » (Dhammapada.)


Source : http://fr.sages.wikia.com/ A. David Neel - La Lampe de sagesse

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