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ROBERT LINSSEN

Hommage à Krishnamurti

Extrait du n° 1 de la revue Itinérances, (pp. 22-27).

R. LINSSEN
Co-fondateur du Cercle Krishnamurti
de Belgique en 1931.
Vice-Président
du Comité Belge Krishnamurti.

© Edition Albin Michel, 1986

Sommaire
Itinerances-no1 (1986)

Nous avons la tristesse d'annoncer le décès de Krishnamurti, le 17 février 1986 à Ojaï en Californie, après avoir dû annuler ses conférences en Inde. Krishnamurti est né à Madanapalle, dans le sud de l'Inde, le 11 mai 1895. Sa disparition prive l'humanité d'une des lumières spirituelles les plus pures de l'histoire.

Pendant plus de soixante années, avec patience, une persévérance et un amour infini, Krishnamurti a tenté de libérer l'homme des servitudes de l'ego. Il a dénoncé les dangers de l'autorité spirituelle et de l'imitation.

Il a fait appel à une connaissance de soi supra-mentale permettant aux êtres humains d'être « leur propre lumière », comme le suggérait le Bouddha il y a 2.500 ans.

Krishnamurti pratiquait le yoga et fut élève de Sri Krishnamacharya de Madras et de son fils Sri Désikachar. Il suivait également les cours de Iyengar. Le yoga est enseigné dans les écoles nouvelles dont il est l'inspirateur. Cinq de ces écoles existent actuellement en Inde et deux en Occident, dont celle de Brockwood Park en Angleterre et celle d'Oak Grove à Ojaï en Californie.

En apprenant le décès de Krishnamurti, le Premier ministre indien Rajiv Gandhi déclarait : « Sa mort appauvrit notre pays et le monde ». Indira Gandhi avait une vénération pour Krishnamurti auquel elle avait rendu visite à l'Ecole de la Rishi Valley avec les principaux membres de son gouvernement quelques mois avant son assassinat. Le Pandit Nehru considérait Krishnamurti comme le plus grand philosophe que le XXe siècle ait donné à l'Inde.

Il serait fastidieux de citer la totalité des commentaires élogieux sur Krishnamurti par des personnalités occidentales du monde des arts, tels le chef d'orchestre Stokowsky, Y. Menuhin ou des écrivains, tels que Henri Miller, Carlo Suarès, Marilyn Ferguson, Claude Bradgon, Rom Landau, etc.

Parlant de Krishnamurti, le célèbre auteur dramatique G. Bernard Shaw déclarait : « C'est l'être humain le plus beau que j'aie jamais rencontré. »

Aldous Huxley, l'auteur du « Meilleur des mondes », remarquait : « Dans ce rayonnement, j'avais l'Impression d'écouter un discours du Bouddha. » Lors d'un voyage à Madras en Inde avec Gérard Blitz, notre ami nous déclarait : « Krishnamurti est une montagne dont les sommets sont presque inaccessibles.

Au cours d'un déjeuner offert par Madame Scaravelli au Chalet Tanneg à Gstaad vers 1967, le célèbre aviateur Charles Lindbergh nous confiait qu'il considérait les écrits de Krishnamurti comme l'œuvre la plus fondamentale du XXe siècle.

Rencontres et dialogues de Krishnamurti avec le monde savant[]

Dès 1974, Krishnamurti organisait des rencontres annuelles à Brockwood Park, près de Winchester en Angleterre, ainsi qu'à Ojaï en Californie. De nombreux savants appartenant aux disciplines les plus diverses y assistaient. Parmi eux, le célèbre physicien David Bohm, Professeur de Physique théorique à l'Université de Londres, qui fut longtemps l'ami et le collaborateur d'Einstein, le biologiste Maurice Wilkins, Prix Nobel, Rupert Sheldrake, Professeur à l'Université de Cambridge, Membre de l'Académie Royale des Sciences de Grande-Bretagne, Fritjof Capra, Professeur de Physique à l'Université de Berkeley, J. Needleman, Professeur de Philosophie à l'Université de San-Francisco, Renée Weber, Professeur de Philosophie à l'Université de New-Jersey, etc.

Lors des conférences données à notre Institut à Bruxelles, notre ami Fr. Capra nous confiait son intention de consacrer un ouvrage à Werner Heisenberg, Krishnamurti et G. Bateson.

Les derniers souhaits[]

Avant de nous quitter, Krishnamurti a exprimé les souhaits qui lui tiennent le plus à cœur. Il souhaite que nous vivions réellement son enseignement et que les écoles nouvelles dont il est l'inspirateur poursuivent leur développement. Parmi ces écoles, signalons la Rishi Valley School, près de Madanapalle, la Rajghat School à Rajghat, la Valley Scholl à Bangalore, la K.F.I. School à Madras. Les écoles les plus connues en Occident sont l'Ecole de Brockwood Park en Angleterre et celle d'Oak Grave en Californie.

Krishnamurti a insisté sur le fait qu'il n'a eu aucun successeur et qu'il n'existe aucun interprète officiellement accrédité de son enseignement. Pour cette raison, nous avons toujours prévenu les auditeurs de nos conférences et les lecteurs de nos écrits que ceux-ci n'engagent que nous-même.

Témoignage personnel[]

Les enseignements de Krishnamurti ont attiré notre attention vers 1928.

Ils nous ont profondément enthousiasmé parce qu'ils exprimaient ce que nous ressentions profondément. Nos premières rencontres avec lui ont été décisives dans notre orientation ultérieure. Elles se sont déroulées dans le cadre merveilleux du Camp de l'Etoile à Ommen au nord de la Hollande en août 1930 et 1931. Tous ceux qui ont assisté aux causeries d'Ommen et aux longues soirées face au feu de camp géant allumé par Krishnamurti tandis que résonnait une sonate au « Clair de Lune » de Beethoven en conservent un souvenir ému. Des chants en chœur auxquels participaient les jeunes venant d'une trentaine de pays différents se prolongeaient tard dans la nuit, animés par Marcel Hastir. En octobre 1931, Alida de Curte fondait avec nous le premier « Centre Krishnamurti de Belgique ». Dès 1936, une correspondance suivie s'échangeait entre Krishnamurti, D. Rajagopal et nous. Nos premiers contacts suivis datent de 1949 à Londres et surtout de 1950 à Paris où nous avons organisé les conférences à la Salle Pleyel, à la Sorbonne, à la Mutualité et à l'Institut Pasteur avec Annette Duché et Marcelle Bondonneau.

En 1956, lors des conférences au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, nous avons eu la joie d'accueillir Krishnamurti pendant un mois dans notre villa de Tervueren située à la lisière de la Forêt de Soignes. Il était accompagné de D, Rajagopal et de Miss Sanderson, En plus des six conférences publiques, toutes suivies par la Reine Elisabeth de belgique, plusieurs entretiens privés se sont déroulés dans la ville de Tervueren. [1]

La Reine Elisabeth a été fort impressionnée par la personnalité de Krishnamurti, Elle a eu le privilège de recevoir Einstein et de s'entretenir longuement avec l'illustre physicien, La Reine nous confiait lors de nos divers entretiens au Château de Stuyvenberg, qu'Einstein et Krishnamurti étaient les personnalités les plus exceptionnelles qu'elle ait rencontrées.

Lors de son séjour à Bruxelles, Krishnamurti a été invité par la Reine, mais il a souhaité que cette rencontre se fasse discrètement en l'absence de la publicité et du protocole des réunions officielles, La Souveraine était visiblement émue à la sortie de cet entretien.

Après Bruxelles, nous avons conduit Krishnamurti et Rajagopal par la route en Hollande et à Hambourg où se donnaient plusieurs conférences.

Ces diverses circonstances, y compris celles des vacances avec Krishnamurti chez Nora Safra et des rencontres de Rome et Florence, nous ont permis d'affirmer qu'il n'existe en lui aucune contradiction entre l'homme et l'œuvre. Il est d'une pureté cristalline. Krishnamurti répond à ce que nous pourrions considérer comme les critères de l'Eveil authentique. Son désintéressement des biens matériels est évident. Nous sommes bien placés pour le savoir par le refus opposé à nos offres d'aide après le décès de nos parents. Le caractères confortable du cadre dans lequel se font ses déplacements résulte du choix des organisateurs et non du sien.

Krishnamurti est le plus simple et le plus profond des instructeurs spirituels que nous avons rencontrés au cours de soixante années de recherches intérieures, tant en Occident qu'en Orient. Il peut rire comme un enfant tout en passant Instantanément à l'état de la plus austère gravité. Les relations avec ses auditeurs se font dans un climat de spontanéité et d'affection absent de toute recherche d'autorité. Il souhaite que l'Homme soit libre de la peur, des croyances, des préjugés et de l'imitation. Il ne met jamais ses auditeurs dans une situation de dépendance à l'égard de sa personne. Il ne prend donc pas de disciple et ne recherche pas le succès. Son désintéressement psychologique est total. Krishnamurti dénonce la médiocrité des ambitions de notre ego, de nos revendications, de nos jalousies, de nos avidités. Il ne fait aucune concession, aucun compromis avec les anciennes valeurs morales, religieuses, spirituelles, toutes basées sur la réalité absolue du « moi ». Krishnamurti attribue la faillite complète de notre prétendue civilisation à plus de deux mille ans de philosophies et de cultures basées sur la réalité de l'ego, quoique la plupart s'en défendent.

Son enseignement est le seul qui respecte intégralement les exigences du « Grand Vivant » formant l'essence ultime de l'Univers et des êtres humains. Il dénonce avec véhémence le rôle corrupteur de la pensée, des mémoires et, en général, de tout le passé. Le passé est tout le résiduel et l'être humain, tant physiquement que psychologiquement, n'est que du passé. Il faut qu'il meure à ce qui est résiduel en lui pour que le Grand Vivant puisse opérer la mutation qui est sa suprême raison d'être.

Dans cette réalisation se révèle la plénitude toujours renouvelée de l'Intelligence supramentale et de l'Amour.

Notes et références[]

  1. Tous les faits de ce paragraphe sont absents des deux livres de Mary Lutyens consacrés à Krishnamurti aux éditions Arista.
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